Avec l'installation Night
Show for Angel nous avons réalisé une transformation
complète d'un bâtiment public: les bains désaffectés
Hornsey Road Baths à Londres. Ce bâtiment délabré
de trois étages d'environ 3000 m2, ce sanctuaire contemporain de
l'eau, vaste et vide, abandonné, avait glissé dans le mystère.
Dans ce lieu nous avons projeté
des rêves. Les visiteurs étaient invités à pénétrer
dans ces rêves. Nous y avons incorporé une mémoire
intérieure, une sorte de Genèse réinventée
émanant de la figure intersexuelle de l'Ange.
Le bâtiment était totalement
obscurci. Encore une fois, le visible émergeait de la Nuit. Des
spots de théâtre ou des projections éclairaient des
fragments de cet espace enveloppé dans le noir. Les visiteurs se
trouvaient immergés dans des environnements successifs composés
d'images, de sons, de lumières et d'objets. Nous avons utilisé
des photographies grand format, des images et des sons électroniques
et numériques, des projections sur des écrans construits,
des échos de musique instrumentale et de voix disant des textes,
ainsi que de multiples dispositifs d'éclairage. En état de
transformation perpétuelle, la figure de l'Ange ponctuait les environnements.
Elle était mise en scène dans différentes perspectives
spatiales - de l'immensité de la piscine à l'enfermement
des vestiaires. Elle était entourée de présences ambigües,
piégées entre l'animé et l'inanimé: mannequins
ou animaux empaillés - félins, oiseaux. Elle était
mise en relation avec des extensions corporelles (costumes de théâtre,
armures, ailes), des objets transparents (tubes de verre, bocaux), des
miroirs et des éléments: terre, eau, feu.
Guidés par le son, les visiteurs
traversaient le bâtiment pour découvrir l'une "scène"
après l'autre, comme un film déployé dans l'espace.
Un film dans lequel ils étaient contenus. L'expérience sensorielle
qui accompagnait l'expérience mentale impliquait diverses composantes:
le changement constant de dimensions (de l'intime au vaste, du gros-plan
à la vue générale, de la proximité à
l'interdiction d'approche), les changements de température (du chaud
au frais ou au froid, de l'humide au sec), les chocs visuels ou sonores
(lumière stroboscopique sur un escalier qu'on doit monter, immersion
soudaine dans l'univers quadriphonique de la piscine)... Des stimuli multisensoriels
marquaient ainsi leur voyage de rêve à travers le labyrinthe.
M.K. - K.T., 1992 |