Une femme observe son image dans un miroir
posé sur un lit de feuilles, que cherche-t-elle à voir? Quel
mystère invoque-t-elle en s'entourant de cercles de sel? Lorsqu'elle
se recouvre de feuilles et de mousse et s'endort, à quoi songe-t-elle?
Selva,
un portrait de Parvaneh Navaï présente une longue et
profonde variation sur un unique motif, une femme dans la forêt.
Ce rapport au monde comme matière, Maria Klonaris le développe
par le vecteur du rite, et les puissances de la nature retrouvent le caractère
terrible que leur domestication en paysage avait fané. Une femme
aux longs cheveux noirs, habillée d'une robe bordeaux, accomplit
d'étranges cérémonies, incruste au moyen du miroir
son image dans celle de la forêt et traverse le visible en dansant.
Selva
approfondit deux archétypes: la sorcière et la nymphe. Chez
Michelet, la sorcière est d'abord une femme comme les autres qui,
pendant les guerres que se livrent les hommes, commence à parler
aux arbres pour échapper à la solitude. Chez Maria Klonaris,
la sorcière est d'abord une dryade, une créature de la forêt,
qui ne se contente pas, à la manière d'une allégorie
classique, de condenser les forces naturelles: au contraire, elle les révèle,
les déploie et les fait rayonner, elle les flambe, les incendie
et perpétue leur combustion. De l'image dans le miroir au plein
écran, de l'incrustation à la superposition, du détail
concret à l'embrasement cosmique, au son de chants brillament entrelacés
dont Kenneth Anger a dû rêver pour accompagner les images de
Inauguration
of the Pleasure Dome, le montage devient un processus incantatoire.
Selva
fait accéder au visible les puissances de la nature dans leur seule
forme aujourd'hui éloquente, le sublime de la destruction.
Xavier Baert et Nicole Brenez
Jeune, dure et pure! Une
histoire du cinéma d'avant-garde et expérimental en France,
sous la direction de Nicole
Brenez et Christian Lebrat, Mazzotta-Cinémathèque Française,
2001. |