programme (pdf)  
Maria Klonaris dans Pulsar de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki
© Photo : Maria Klonaris, Katerina Thomadaki

Disparue il y a un an, Maria Klonaris laisse derrière elle une œuvre profondément marquée par la force de ses engagements artistiques et féministes. Avec sa co-auteure Katerina Thomadaki, elles n’ont cessé d’explorer, à travers leurs films, performances corporelles, installations et œuvres multimédia, l’identité du corps féminin et l’arbitraire du genre. Présentés lors de cette séance en hommage à l’artiste, la vidéo Pulsar (2001) et le film Selva. Un portrait de Parvaneh Navaï (1981-83) illustrent le parcours singulier de leur « cinéma corporel » qui a marqué durablement la scène expérimentale.

Séance présentée par Katerina Thomadaki.

Maria Klonaris/Katerina Thomadaki
PULSAR
(du Cycle de l’Ange)

Vidéo numérique, couleurs, sonore, 14min., 2001
Conception, réalisation, image : Klonaris / Thomadaki
Performance : Maria Klonaris
filmée par : Katerina Thomadaki
Musique originale : Spiros Faros

(Pulsar : abréviation du terme astronomique Pulsating Star)
Le pulsar est un objet galactique, étoile à neutrons née par effondrement, qui présente une intense émission électro-magnétique – ondes radio, impulsions X et fréquences optiques syncopées. L'effondrement qui lui donne naissance accélère sa rotation et emprisonne son induction magnétique qui devient alors extrêmement intense.
Pulsar fait partie du Cycle de l’Ange. Dans ce cycle d'œuvres, nous créons des liens entre le corps humain et les corps astronomiques. La performance improvisée de Maria Klonaris est une danse négative, entre jouissance et catastrophe, une gestuelle en noir et bleu aux prises avec le blanc de l'écran.
L'espace sonore créé par Spiros Faros attaque l'image du corps en explosion par des implosions synesthésiques.
Maria Klonaris – Katerina Thomadaki, septembre 2001

Lorsque j'ai vu Pulsar j’ai été saisie dans mon temps physique, dans ma temporalité propre, non pas par un arrêt de ma respiration qui aurait été une sorte d’apnée, de suspens, mais comme si j’avais été entraînée massivement et dès les premières secondes dans une temporalité autre. Autre que n’importe laquelle de celles qui me sont coutumières, dans le réel aussi bien que dans mes rêves (…).
Cela m’a remplie de stupeur, d’effroi et de plaisir parce que la vie se donne, se retire, se redonne et se retire sans arrêt. Nous sommes dans une temporalité mythique ou de souffle, et nous avons l’impression de quelque chose qui pourrait accueillir une vie et l’accompagner. Un don de la vie et de la mort se jouerait dans les gestes de Maria. (…)
Dans Pulsar, une toute autre rhétorique de la création déplace l'ordre classique, admis, religieusement et esthétiquement reconnu. Tout d’un coup là, se met en place une nouvelle scène de la Genèse où un corps de ténèbres et de lumière, c’est à dire quelque chose d’une présence biologique, à laquelle j’ai été sensible d’emblée, me repousse, me fait naître, m’attire et me tient sous sa puissance ; cette présence cosmogonique est féminine. (…)
Pulsar m'a rappelé des images de transes chamaniques de femmes sibériennes qui m’ont beaucoup impressionnée. La chevelure de Maria, la chevelure d'étoiles, me fait justement penser à celle des chamanes quand elles tournent, quand elles dansent ou au mouvement des algues. Il y a là quelque chose d’un monde sous marin et solaire à la fois ; le subaquatique et le sublunaire se rejoignent. (…)
Ainsi, il se noue avec le spectateur quelque chose qui n’est pas que spectaculaire, mais aussi liturgique, au sens d’une profusion de forces contrôlables ou incontrôlables, qui viennent le submerger.
Marie-José Mondzain
in Klonaris/Thomadaki, Stranger than Angel, Cankarjev Dom, Ljubljana, 2002

Maria Klonaris
SELVA. UN PORTRAIT DE PARVANEH NAVAÏ
(de la Série Portraits)

Film Super 8 couleurs, restauré en 35mm par les Archives françaises du film du CNC sous la direction de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, 70 min., son Dolby SR, 1981-83
Conception, réalisation, image, conception sonore : Maria Klonaris
Actante : Parvaneh Navaï
Montage : Maria Klonaris et Katerina Thomadaki
Réalisation sonore : Michel Créis, Monique Burguière, Maria Klonaris, Katerina Thomadaki

Le portrait abordé comme un moment privilégié de rencontre entre deux sujets : celle qui filme et celle qui est filmée. Devant ma caméra, Parvaneh Navaï agit comme une médiatrice qui entre en contact avec les énergies de la nature et les laisse la pénétrer, en même temps que sa propre énergie intérieure irradie et résonne dans la forêt (“selva” en italien). La caméra amplifie et prolonge sa présence en transformant la forêt en espace imaginaire. La caméra devient pinceau. Transes - danses, projection hors corps.
Selva: le portrait-voyage d’une femme que je rencontre dans l’inconscient.
Maria Klonaris, 1983

[Nous sommes emmenés] toujours plus au fond des choses, toujours plus au cœur du monde, là où les racines des arbres et l’eau des torrents donnent naissance à la pensée. Une femme s’y cache, qui est en train de naître, et elle consent à disparaître pour laisser voir ses véritables conquêtes : la puissance du mouvement. La caméra saute et revient sur ses propres traces, l’œil s’épuise dans la course qui ramène sans cesse à l’origine non quittée – Selva.
Marie-José Mondzain
Catalogue Klonaris/Thomadaki, Galerie Donguy, 1985


The extraordinarily beautiful Selva was a real revelation for me - the most impressive film I was able to see in Nicole Brenez's important French experimental film retrospective at the Cinémathèque Française, and one of the most rewarding non narrative features I can recall ever seeing anywhere.
Jonathan Rosenbaum
July 18th, 2000

Remerciements : Katerina Thomadaki, Eric Le Roy, Les Archives Françaises du Film, A.S.T.A.R.T.I, Heure Exquise !