Jan
19

L'"insoumise du genre", Maria Klonaris.


@klonaris-thomadaki

Née au Caire, de parents grecs et médecins, ayant grandi à Alexandrie, puis à Athènes, Maria Klonaris fit dabord des études en anglais à luniversité, et de scénographie à l'école des beaux-arts dAthènes, avant de partir à Paris, où elle suivi, à la fois, un enseignement dEgyptologie à lEPHE, de cinéma expérimental et esthétique à Paris 1, et ultérieurement dinfographie à lENSAD.
Mais sa vie, dès avant leur installation à Paris en 1975, rejoint celle de Katerina Thomadaki. A Athènes, elles dirigent le Théâtre des 4 puis lespace de recherche théâtrale. A Paris, cest le cinéma expérimental dans lequel elles sengagent à deux fondant leur pratique dans un prolongement de leur vie ensembleet réciproquement. Klonaris/Thomadaki, avec une  barre entre les deux noms, cest aussi comme un trait dunion. Un trait dunion, qui relie la projection filmique à son dispositif élargi à linstallation, et à une problématique corporelle, nourrie des abstractions de la pensée critique,  en rupture avec un cinéma narratif dominant de la distance voyeuriste .  Celui de Klonaris/Thomadaki porte au contraire, dans son extension même à la peau, la revendication dune « féminité radicale » : un questionnement de la frontière, symbolisée par la différence sexuelle : entre les genres, entre les disciplines, entre lart et la vie, entre les gens.  Et dabord, « entre-nous », dans la plasticité d'une production qui, sans cesse «filme les identités sexuelles comme une complexité en mouvement »remet en cause la singularité dun auteur, rend sa liberté à la circulation entre lintérieur et lextérieur et sancre dans une généalogie où on trouve aussi bien Claude Cahun/Marcel Moore, que les pratiques queer de Pauline Boudry/Renate Lorenz
Dans leurs œuvres plastiques et  leurs livres, elles forgent ainsi le concept de "corps dissidents" dont les motifs sont d'abord lhermaphrodite, lange,  les jumeaux,  l’« inquiétante étrangeté », le « monstre ».  Cest à la disposition des récits et les images mythiques (en particulier ceux de la Grèce ancienne) que Klonaris/ Thomadaki mettent les technologies dont elle font usage. De nombreux essais critiques s'en font l'écho, par Marie José Mondzain, par Marina Gržinić, ou par Nicole Brenez, qui célèbre la capacité des cinéastes à (nous) plonger « dans un monde envoûtant, aux limites de lhypnose ou de la transe »
Les œuvres de Klonaris/Thomadaki ont été présentées dans de nombreuses institutions, tels que le Centre Pompidou, le musée dArt moderne de la Ville de Paris et la Cinémathèque française (Paris), le MoMA (New York), la National Gallery of Art (Washington), le British Film Institute et la Tate modern (Londres), la Fondation Joan Miro (Barcelone), la Kunsthalle Wien, la Pinacothèque dAthènes... Trois de leurs films les plus importants ont été restaurés par les Archives françaises du film du CNC avec la BnF et le 16 novembre 2012, la BnF consacrait une manifestation à Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, rendant visibles leur fonds darchives.
En décembre 2012, le centre audiovisuel Simone de Beauvoir programmait deux films de la série Portraits, lun par Katerina Thomadaki, lautre par Maria Klonaris.. Maria Klonaris était venue au cinéma Latina et c'est là que nombre d'entre nous l'avaient rencontrée pour la dernière fois.
Le 13 janvier dernier, elle s'est endormie et ne s'est pas réveillée. 

                                                           Unheimlich @klonaris/thomadaki

Katerina Thomadaki fait part qu'une messe orthodoxe sera célébrée le 21 janvier 2014 à 14h30 en l’église Saint-Julien-le-Pauvre, 79 rue Galande, Paris 5e.Le rituel sera suivi d'un recueillement à 16h00 en la salle Mauméjean du crématorium du cimetière du Père-Lachaise. Un hommage sera rendu à Maria à l'église et au crématorium.